L’enfance
Auguste Tertu est né le 25 mai 1905 à Rostellec en fond de rade de Brest au Meil ar Chaz (moulin du chat) le premier moulin de son père. Ce dernier eut cinq enfants d’un premier mariage et cinq du second dont Auguste.
Homme très adroit, il réparait lui-même ses moulins et ceux de ses collègues. C’est à lui que ces derniers faisaient appel pour mettre au point le moulin qu’ils venaient d’acquérir. Le père Tertu complétait ses journées sans vent par la fabrication de sabots.
Auguste a été à l’école jusqu’à l’âge de 10 ans mais il montait déjà à 8 ans dans les ailes du moulin de son père pour tendre la toile et « prendre des ris ». Les toiles sur les ailes du moulin sont comme les voiles sur un bateau. Les ailes faisaient cinq mètres de hauteur. Il était très habile et adroit.
Il a commencé à creuser des sabots à 10 ans. C’était délicat car il fallait les creuser à la forme la plus exacte possible du pied. « Il faut donc avoir une bonne vision du pied à chausser et savoir reproduire en creux les formes presque du premier coup ». Il apprend à reconnaître le fil du bois et sa qualité.
AugusteTertu va exceller dans ce travail et se montrera même plus habile que son père.
Pendant la première guerre mondiale, son père acheta un second moulin à Crozon et y installa Auguste et son frère Joseph. A 13 ans, Auguste était le « meunier de Crozon ».
« J’étais le plus jeune mais c’est quand même moi qui dirigeais le moulin ».
L’apprentissage
Après la guerre, Auguste quitte le moulin et part à Camaret travailler chez Bernard Hugo apprendre le métier de charpentier de marine. Il se révéla tout de suite habile ouvrier.
Il faut dire, qu’en plus des moulins et des sabots, son père avait possédé des bateaux !
« En 1912, j’avais 12 ans, il y avait trois bateaux chez nous et mon père réparait lui-même ses bateaux comme il réparait son moulin ».
Auguste fabriquait déjà des maquettes capables de naviguer.
Apprendre le métier de charpentier de marine ne lui posa donc aucun problème et il se révéla vite capable de fournir le travail demandé et même plus.
Plus tard, il part chez Georges Stipon à l’Ile Longue où il espère apprendre à faire le tracé d’un bateau. Mais il est jeune et personne ne lui explique rien. Il apprendra et comprendra de lui-même à se servir de la sauterelle d’équerrage. Il apprendra aussi chez d’autres…
Le père d’Auguste encourage son fils qu’il constate très intéressé. Il lui propose de réparer un bateau de 11m lui appartenant. Il fallait changer le plat-bord, les préceintes et l’arrière norvégien très dur à former (forme pointue et sans tableau). Auguste réussit le travail et de belle façon !
En 1920, Auguste, 15 ans, s’engage alors dans la construction de son premier bateau, un cotre de 5 m « L’espoir ». Il sera mis à l’eau à la cale du Fret et se révélera un excellent bateau.
Ainsi, Auguste prouvait qu’il était capable de gagner sa vie en fabriquant des bateaux.
Trois ans plus tard, il construit « Cours à l’eau » (6m30) avec lequel il gagne aussi des prix aux régates. En effet, il était un passionné de courses à la voile qu’il gagnait assez souvent d’ailleurs.
Le chantier Tertu
En 1928, Auguste s’associe à Victor Belbéoch à Rostellec mais cela ne dure que 2 ans.
En 1933, il se marie, il a 28 ans. Il construit à cette époque un petit langoustier de 17 m à la voile destiné à la pêche au Portugal puis le bateau finit par avoir un moteur en auxiliaire. Par la suite, ce sera l’inverse, la voile sera auxiliaire du moteur sur les bateaux.
Il quitte aussi à cette époque Rostellec pour Le Fret, sa femme y possédant une petite maison sur la grève. Ils auront cinq enfants (Jean, Marie-Louise, Pierre, Jeanne, Madeleine).
Il fait surtout des bateaux de 20 m, époque prospère qui devait durer jusqu’en 1938 avant la mobilisation. En 1948, Auguste construit le « Meil ar chaz », cotre magnifique.
En 1951, il s’oriente vers la construction de plus gros bateaux (les langoustes se pêchaient en grosses quantités) et agrandit son chantier à Rostellec sans quitter le Fret. Au Fret, se trouvaient la menuiserie et la tôlerie et à Rostellec, on montait le bateau.
Le 23 novembre 1961, le lancement du premier mauritanien attirait une grande foule dont de nombreux constructeurs et l’ingénieur des ponts et chaussées du Finistère de l’époque.
C’était un évènement car la pente de la grève de Rostellec ne faisait que 7% environ.
C’est le « Banc d’Arguin », de 37,60 m de long.
En fait, c’était la transformation d’un bateau de 32 m. L’allonger de 5,60 m tout en gardant la même largeur et les mêmes gabarits était le pari à tenir. Il en profite pour changer la conception du vivier dans lequel les langoustes mourraient en grandes quantités.
Imaginez des langoustes prisonnières dans ce vivier où le roulis et le tangage les obligeaient à cavaler en permanence sans s’arrêter. Tertu transforma cet espace en le compartimentant comme des cages à lapins.
Comment faisait-il ses bateaux ?
D’abord il avait l’image du bateau en tête. Ensuite il faisait le plan ou une maquette. Car la maquette permettait de bien voir le bateau. Il la démontait et, ainsi, obtenait les points exacts, les membrures numérotées… Le temps perdu à fabriquer la maquette était récupéré à la construction.
Il a construit autant de bateaux de plaisance que de bateaux de pêche et découvrir de nouvelles coques, de nouvelles formes était dans sa nature.
Pour la pêche il faisait de gros bateaux (jusqu’à 38 m environ), pour la plaisance il préférait les petits (dans les 6 m).
En 1974, il avait déjà construit « moins de 1000 peut-être mais sûrement plus de 500 » bateaux, beaucoup plus à voile qu’à moteur.
Il préférait travailler pour les marins, les pêcheurs, clientèle plus simple, plus vraie ne cherchant pas le luxe, le vernis, le trop de fignolage mais pas assez la solidité.
Dépanneur de la mer : « sans remorqueur, sans scaphandre, par les moyens du bord les plus ordinaires », il a fait de nombreux sauvetages de bateaux échoués ou coulés.
Il continuera à un âge avancé à imaginer ses bateaux et même à barrer en course de façon occasionnelle.
Sa devise
Auguste a déclaré : « Dans un métier comme le nôtre, on ne doit pas aimer le billet de banque ». Il se refusait à construire vite et il reconnaît qu’il était souvent à la traîne mais le résultat était là.
Mort en ?
Quelques bateaux construits par Auguste Tertu :
- 1935 : François-Monique
- 1936 : La Bergère de Domrémy
- 1942 : La Nicole
- 1948 : Meil Ar Chaz, le St Guénolé, le Général Leclerc
- 1956 : le Loch Monna
- 1958 : le Sav Héol
- 1969 : Ar Vel
(Tiré du livre de Joseph Perrin. “Le charpentier de Rostellec”. Ed. France Empire, 1974.)